Il n’en peut plus.
Ses pensées ne peuvent plus donner quoi que ce soit, elles vont et viennent comme les vagues sur la plage, sans qu’il puisse les saisir.
Cette chaleur tout à coup, l’impression d’être une cocotte minute. Le bruit, les données qui se succèdent, jamais le silence, jamais le vide. Il est plein. Il va déborder.
– Je me lève avec la radio. Elle me réveille puis me tient compagnie sous la douche. Quand mes mains sont libres je navigue sur mon téléphone. Dans les transports j’écoute mes podcast fétiches. Arrivé au bureau, après les discussions de machine à café ce sont les mails, toute la journée les mails, interrompus par des essais de tâches de fond. Puis le soir cela recommence dans l’autre sens, podcast, internet, série et musique pour trouver le sommeil. Desécrans-dutexte-duson-desimages-desmots-dits-rédigés-affichés-hurlés-desconcepts-desinfos-desnouvelles-deslike-desmiley-lafamille-lesinconnus
WHAAAAAAA!
Il est 7h et il éteint la radio aussitôt qu’il ouvre les yeux.
Le silence de la salle de bain est de la même chaleur douce que l’eau qui coule sur sa peau. Les muscles se détendent, il repense à cette fille croisée à Nation et ça lui donne un peu plus chaud encore. Il sourit.
Le bruit de la cafetière semble si vivant, tout comme son odeur amère qui mêlée à celle des miettes noires du fond du grille-pain annonce le commencement de la journée.
Manger avec pour accompagnement les bruits des autres appartements (l’eau qui coule dans toutes les tuyauteries, Télématin au 5°gauche, les cris des parents pressés au 5°droite, les éboueurs au pied de la fenêtre et la porte d’entrée qui claquera 43 fois) c’est être au cœur de la vie de l’immeuble.
A Nation il se croit dans un film de Woody Allen et il cherche la fille.
Mais couper ses prothèses numériques ne transforme quand même pas la vie en comédie romantique.
Avec son deuxième café, au bruit de gobelet éjecté des circuits cette fois, il écoute pour la première fois Pierre parler de son petit garçon.
– Ce gars a une famille?! Mais depuis quand?
Devant son ordinateur il prend la grande décision de ne lire ses mails qu’en arrivant puis de se plonger dans ses vraies tâches pour de bon. Il se sent compétent, concentré, grand, fort…
– Je suis génial.
Comme il a du temps et l’esprit clair en arrivant chez lui, il décide de rappeler enfin son frère qui lui avait laissé un message il y a 10 jours. C’était sympa.
– C’est vrai que c’était cool.
Après avoir regardé un film, et pas seulement vu comme il faisait en checkant ses fils d’actualité divers hier encore, il décide de reprendre un abonnement au cinéma. Un pour deux personnes.
– On sait jamais.
Il se couche, fatigué mais pas vidé. Il n’aurait jamais cru que faire silence le nourrirait autant.