Si belle.

Sa peau veloutée sent la cacahouète. Le creux de sa hanche annonce le mont de ses fesses. Ses jambes ne battent pas le pavé, elles soulèvent et font danser les herbes volantes et le pollen qui épaissit l’air de la ville. Elle habite le monde.

Dans ses yeux l’énergie, sur sa bouche la gourmandise, dans ses cheveux la volupté des ébats, derrière son oreille les mots suaves partagés. Il voudrait la croquer, lécher chaque centimètre carré de son corps, la posséder toute entière. Il la trouve si belle.

– J’ai encore grossi. Je le sens ma robe me boudine, j’ai l’air d’avoir 50 ans sous ce gras. Ma peau respire la fille qui se relâche. Négligée, j’ai l’air négligée. Je suis négligée. Comment font-elles les femmes, les vraies femmes qui gardent leur ventre plat, leurs bras longilignes, leurs jambes musclées? Comment font-elles pour se coiffer si bien, pour s’habiller avec tant de goût? Je suis si moche.

Une femme, il aime une femme et c’est si bon. De sentir son corps doux, vibrant. De visiter ses paysages toujours inattendus, qui éblouissent à chaque fois, au détour d’une épaule, dans le creux d’un genou, entre les seins gonflés, au sommet du mont de Vénus. Elle est si désirable. Quelle chance d’être accepté d’elle.

C’est si beau de la voir bouger, se déplacer, porter, cuisiner, révasser, dormir, caresser une joue, croquer dans un dessert, savourer un vin, danser dans la cuisine, pleurer de bonheur, crier de colère, rire de toutes ses dents, proférer des injures injustes, lire les yeux plissés, se hisser sur la pointe des pieds pour attraper le chocolat, s’accroupir pour faire une grimace à l’enfant sur son tapis. Plus les années passent plus son regard est plein, plus ses gestes sont assurés, plus ce corps est habité. Se doutent-elles du pouvoir qu’elle a sur lui?

– Le temps passe et je me flétris. Où est passée la fille légère et sans défaut qui était moi ? Comment ai-je perdu ce corps facile à habiller, cette peau tendue, cette fluidité des mouvements? Je me sens avachie et molle. On ne voit que ça. Je dois faire pitié.

Elle est si forte. Elle porte ses rêves, elle construit sa vie. Elle étreint ceux qui ont besoin d’elle, elle se couche après les autres pour finir une tâche, elle se lève avant eux pour choisir un vêtement, dessiner un œil coquin. Elle exige d’elle-même le sourire face aux événements, l’action face aux difficultés. Elle choisit de construire son bonheur, tous les matins quand elle éveille son corps pour la journée qui arrive.

Il le voit dans chacun de ses gestes, dans les nuances colorées de sa peau, dans les nouveaux pleins et déliés de sa silhouette. Il sait ce que veut dire ce pli au coin de son sourire, ces griffures rouges sur les hanches. Il est si fier de faire parti de ces événements qui l’ont construite. Que tout le monde le voit! Que ce corps crie au monde leur amour!

Comment faire pour me reprendre?

Comment continuer de la faire rire?

Pourrais-je m’accepter un jour toute entière?

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