J’écoute un épisode de La Poudre (podcast de Lauren Bastide produit par Nouvelles Ecoutes) qui invite chaque mois une femme à se raconter pendant une heure. Une femme engagée en politique, en art, dans un métier, un militantisme. Aujourd’hui je fais connaissance de Claire Nouvian, fondatrice de l’ONG Bloom qui lutte pour la préservation des océans. Et récente lauréate du prix Goldman, prix pour l’écologie comparé au Nobel .
Je ne la connais pas mais je suis embarquée par ses paroles dans un vif esquif qui me dévoile des terres rares et désirables. Elle parle d’engagement, non de plus que ça, de comment nos actions donnent du sens à notre vie. De se regarder dans la glace en pouvant être serein de qui on y voit. Elle décrit si intensément les fonds marins que depuis mon TER tristoune je plonge et voyage comme si j’y étais. Elle cite des philosophes, abordent la question de son rôle de parent tout en portant des projets qui se veulent universels et pour la survie de l’humanité entière. Elle évoque à mots couverts les agressions dont elle et son équipe sont victimes par les lobbys désireux de faire échouer toute action internationale limitant leurs profits financiers. Je suis indignée, je ne comprends pas que nous laissions collectivement des profiteurs égoïstes avoir de telles pratiques. Comment pouvons-nous protéger ceux qui se battent pour nous ?
Ce qui fait écho chez moi par ce matin de janvier, c’est son appel à prendre chacun notre part pour sauver notre planète. Une part à la mesure de nos compétences, de nos possibilités quotidiennes. Claire Nouvian en prend une grosse, ce qu’elle explique par son caractère. Je suis admirative, mais je ne me sens pas dévalorisée, j’entends « Regarde toi dans les yeux et fais ce qui est en ton pouvoir ». J’ai envie de lire ce qu’elle conseille, de me désaxer un brin pour moi aussi me regarder sereine chaque soir dans un miroir. Et surtout merde je sais maintenant que je ne veux plus fermer les yeux sur les sujets importants qui touchent à notre vie commune et impacteront mes enfants très vite (genre la catastrophe climatique d’une ampleur inenvisageable que nous sommes en train de créer).
Mais écoute Claire Nouvian, t’as compris elle te racontera tout ça avec beaucoup plus de fond (je ne voulais pas faire ce jeu de mot pourri mais maintenant qu’il est là…).
Une fois l’émission finie, j’assouvis ma curiosité en cherchant à quoi ressemble cette femme qui parle si bien et fait de si belles choses. Sur ma page de résultats, quelques photos et des articles de presse. Ma curiosité immédiate est rassasiée, je veux maintenant donner à manger à ma curiosité plus profonde : qu’a-t-elle fait d’autre cette Claire ? C’est quoi la loi qui veut protéger les grands fonds marins ? etc. J’ouvre une page de Libération datée du printemps.
C’est quoi cette blague ?!
La journaliste a eu la chance de rencontrer une détentrice de Nobel, une femme dont je sais par l’interview que je viens d’écouter qu’elle a de quoi raconter, sur la mission qu’elle s’est donnée, sur les lobbys qui nous polluent, sur la quête universelle du sens de la vie. Bref je ne te la refais pas.
Mais non, ce qui intéresse cette « reporter », c’est le look de Claire Nouvian, sujet qui débute l’article puis le clôt. Pardon, rien d’autre ne me vient à la langue,mais WHAT THE FUCK ?!
Alors alors alors, comment mettre de l’ordre dans tout ce que me renvoie ce traitement journalistique…
Décrédibilisation
Misogynie
Oui c’est ça.
D’abord en mettant sur le même plan la manière dont son sujet s’habille et son travail. La destruction des océans devient finalement aussi crucial qu’un look. Les compétences de la lauréate sont contrebalancées par son goût approximatif en matière de mode 2018 (oui tu comprendras assez vite que la journaliste n’a pas beaucoup de considération pour la ballerine).
Ensuite en choisissant pour comparaison un bon stéréotype qui renverra tout de suite une image précise et mettra en condition le lecteur de Libération : la mère de famille BCBG qui sort de la messe. « Vous la voyez bien là ? Allez maintenant venez je vais vous raconter rapidement les 2 3 trucs qu’elle fait quand même de sa vie qu’on se marre. »
Et là ça va plus loin dans ma tête, pourquoi une mère de famille BCBG ne pourrait être considérée comme un être pensant, actif, inséré dans la société et dont les actions mériteraient un article de presse touffu ? Mais c’est un autre sujet.
Je n’ai pas fait d’étude statistique poussée sur la question du traitement médiatique des personnalités femmes et hommes. Mais quand dans la dernière phrase l’interviewée explique que Barack Obama aussi porte chaque jour la même tenue pour se libérer du temps à faire ce qui lui importe vraiment, je me demande quand même si la journaliste aurait choisi le même angle pour un équivalent masculin.
Je te passe l’étude sémiotique de l’article, ne te donne qu’un exemple de qualificatif donnée au militantisme de Claire Nouvian : La Pasionaria. Voilà on est bien dans la femme émotive survoltée auquel personne ne peut porter crédit.
Qui est-ce qui dit merci à Libération ? Les lobbys qui avec ce même type de campagne de décrédibilisation tente d’empêcher les avancées écologiques seules à pouvoir sauver notre monde.
Allez, bonne introspection à toi.