Jour 1

Tu ouvres les yeux. En quelques secondes tu te rappelles. Aujourd’hui est le début d’un nouveau quotidien, que tu n’as pas choisi. Ca te noue immédiatement l’estomac. Toute cette histoire te parait tellement irréelle, tu te demandes si tu n’as pas juste une grosse gueule de bois. Non, hier soir déjà les temps n’étaient pas à la fête.

Il faut du pain. Pas encore besoin de papier autorisant de marcher dans la rue. Mais déjà le silence augmente ta nausée quand tu longes le boulevard. En passant devant le fleuriste, qui a fermé ses rideaux de fer pour une durée indéterminée, tu te demandes qui fait la liste des commerces vitaux. Tu aurais bien besoin de mettre quelques couleurs entre tes 4 murs. Tu les imagines se refermer autour de toi, sans issue offerte. Et tu ne sais pas comment tu vas le supporter. Alors tu traines sur les quelques centaines de mètres de ce trajet quotidien. Tu voudrais avoir besoin de pain à longueur de journées.

Est-ce par ce que tu n’arrives pas vraiment à y croire? Parce que tu ne veux pas te retrouver tout à fait couper du monde? Tu essaies d’élargir ton espace en harpantant les réseaux numériques. Sociaux. Tu te prends les angoisses des autres, l’agressivité de la peur et les conseils moralisateurs comme autant de mauvaises vagues frappant de plein fouet un marcheur sur la digue. Tu lances aussi tes propres maux, mais ça ne libère en rien ton estomac engorgé.

-Putain ça va être ça la vie?

Tu t’enfouies sous la couette, yeux rivés vers les nuages. Tu as « la chance  » d’avoir un vélux au dessus de ton lit. Oui, tu commences à chercher tous les détails faisant de toi une chanceuse, par rapport aux autres. Les mal logés, les non logés, les mal accompagnés, les vrais seuls. Tu as peur, tu as mal au coeur, et en plus tu culpabilises de ne pas être contente de ton sort de privilégiée qui va pouvoir lire, et glander, et « profiter de la vraie vie » tout son saoûl. La vraie vie…

-Ok, j’arrête les réseaux sociaux.

Tu fermes les yeux.

La vague, elle est aussi en toi.

C’est la tempête.

Ca gronde, ça chahute les entrailles, ça fait mal.

-J’ai mal! Merde!
Merdemerdemerdemerdemerdemerdemerdemerde!!!!!

Et alors ça coule par les yeux. Ca coule sur les joues, le menton, le long du cou, dans les lobes des oreilles.

Demain peut-être tu te lèveras pour faire face. Petit soldat de ta propre guerre.
Ce soir tu te retires. Ta tranchée ne pue pas la boue, mais à cet instant il y fait bien froid.

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