Tu es debout dans la cuisine. Ton corps de 80cm semble reprendre peu à peu sa consistance solide après les longues heures de sommeil. Dans ton pyjama grenouillère tu es mon bébé, mon nez veut tout de suite se nicher dans ton cou, se rappeler notre première rencontre, il y a deux ans déjà, seulement. Tu te retournes avant que j’ai pu bouger. Ton sourire derrière la tétine… Et tu cours. Vers moi. Les bras ouverts. Je me baisse pour te réceptionner contre mon ventre et te respirer. Je voudrais que cet instant reste pour toujours. Toi et moi et cet amour. Ton « Bonjour maman » sans consomne.
Tu es penchée sur ton livre. Tu racontes l’histoire à tes doudous. Comme ils ne sont pas si sages qu’ils en ont l’air, tu es obligée de faire de la discipline « Non Marcus je te l’ai déjà dit plusieurs fois tu vas au coin maintenant. Maintenant! Alors, Petit Loup il court là, et il… ». Tu es si concentrée si vivante si ferme si engagée si inventive. C’est moi qui t’ai pondue, petite femme aux yeux rieurs et à la bouche décidée? Il y a cinq ans tu ne faisais pas partie de ma vie. Tu n’existais pas. Saches que ce concept me laisse aussi perplexe que toi.
Vous êtes assises à la table, si grande devant vous. Il est 10h, j’ai promis une activité. Vous attendez, je tremble. Il y a dans vos yeux toute la confiance et l’attente que vous me portez. D’habitude je partage cette responsabilité avec d’autres adultes, quelques heures par jour. Mais le nouveau d’habitude a changé la donne. Maintenant il n’y a plus que vos deux parents pour répondre à tous vos besoins. Et, allez disons-le, ils ne sont pas toujours à la hauteur de vos attentes. C’est dur.
Je repense à ces films et chansons où les grands ont su garder l’âme d’enfant nécessaire pour éclairer le monde de magie. J’ai rêvé moi aussi d’inventer des histoires pour mes petites, de chanter du matin au soir, de rire de tout, de faire des gâteaux en se maquillant de farine. La vérité? Quand la farine vole je pense à l’aspirateur. J’oublie les couplets de toutes les chansons dès que vous m’en demandez une. Les histoires que je me raconte impliquent toujours une nounou et une chambre d’hotel loin de vous. Alors il y a un peu trop de disputes et de cris dans la maison. Pas autant de temps pour profiter les uns des autres.
Faut dire, vous êtes moins faciles que la fratrie pour qui travaille Mary Poppins. Vous non plus n’êtes pas toujours d’humeur à chanter. A. répond « non » à toutes mes questions et D. change les règles de tous les jeux que je lui propose.
Et ouais la vie, c’est pas un conte de fée. Maman elle n’a plus 5 ans et elle a beau y mettre du sien, Ketchup Tomate c’est le pire jeu de l’histoire.
Quand je me serre contre vous après l’histoire du soir, je mesure toute la chance que j’ai de vous avoir. Et je me promets de faire mieux, demain. Et puis demain est comme aujourd’hui, un jour de vie, pas une histoire magique. Je n’en pleure plus le soir, quand je me brosse les dents seule pour la première fois depuis 12 heures. Je me regarde dans le miroir tacheté de blanc. Et je me rappelle que le merveilleux c’est d’être là tous les 4.
(Ca et le rosé de 21h enfoncée dans un gros fauteuil.)
Allez, un jour après l’autre.
[…] lutté, pendant Le Grand Confinement, pendant des années, parfois en le cachant sous des mots à la troisième personne, souvent en le […]
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