C’est ma fête ?

La graine a pris. Minuscule et fragile dans le secret de mon ventre. Je ferme les yeux pour en voir les racines. Avant d’être un autre, ce possible m’emmène au plus profond de moi : scruter l’endroit où il s’est installé, imaginer à quoi il ressemble, décider aussi de quoi il retourne.

Faut-il le faire pousser ?

Très vite la question se renverse. Que pousse-t-il lui, ce germe, cet embryon de vie ? Que force-t-il en moi pour se faire sa place à lui ?

Tout va se jouer dans ma possibilité à accepter, à partager l’espace.

Mon corps. Je croirai d’abord que tout est là. Puis le déplacement se fera chamboulement, il faudra m’accrocher pour garder ce à quoi je tiens et me battre, graine au ventre, pour choisir mon propre chemin.

Materner pour les autres c’est : grossesse, joies, vacances. Dans mon quotidien j’entend surtout : hôpital, sécurité de l’enfant, examens, allaitement, être toujours belle, ce n’est pas une maladie, ménagez-vous.

Ce matin le journal L’Alsace titre « Ce devait être le plus beau jour de sa vie, c’est le jour où elle va la perdre. »

Écrire pour ne pas perdre la vie.

Écrire pour donner la vie.

Des graines j’en ai plein le ventre. Je ne le savais pas.
Il a fallu les cris de tous ceux qui s’appropriaient mon corps pour que je cherche.
Qu’est-ce qui était important ? Qu’est-ce que je devais cultiver ?

Je ne voulais pas être « La femme enceinte », cette espèce de bête mythique devenue monstre de foire, que tous s’accaparent. Je ne voulais même pas être « La maman », ce rôle social posé sur mes épaules comme une camisole. Je voulais être moi, encore, mieux, plus forte. Pour nous.

La graine que tu étais a fait pousser toutes les autres. Je me retrouve en charge d’un florissant domaine, et rejoue perpétuellement ce que tu m’as fait connaitre : repérer, observer, choisir, cultiver, faire naitre.

Puis offrir au monde.

Répondre à un drôle de défi

Un jour une bande d’inconnus se réunit complètement par hasard sur un réseau social pour répondre à un drôle de défi !

Ils devaient regarder la densité des milliers de brins d’herbe qui habillaient le petit jardin de vert et y chercher les mots pas encore chantant que leurs bouches rendraient mélodieux. Le vent les emporta dans ses mouvements ascendants à travers des paysages inattendus. L’un d’eux en perdit même une chaussure qu’un oiseau rattrapa au vol !

Avec une seule chaussure ils se sentaient plus libres, pleins d’imagination, et sans courir tels des enfants ils marchaient d’un pas plus dansant, de multiples possibilités dans la tête. Leurs mains les guidaient mieux que leurs outils dans la transformation de la matière en art. C’était comme une musique des doigts sur une peau humide, un désir naissant dont on ne savait se défaire, ou qu’il fallait assouvir, yeux grands ouverts et battements du cœur mesurés. Le soleil était aveuglant ! Ils respiraient avec calme des parfums exotiques et étranges.

Quand soudain un oiseau se mit à chanter, ce qui leur souleva le cœur, non de plaisir, mais d’une nostalgie agrippante, de celle qui vous attrape et tétanise, les mains crispées autour de la gorge et l’envie de hurler affleurant au fond de la langue.

Ils fermèrent l’heure du nuage qui les entourait et entamèrent la lente et indicible descente vers le réel ; mais la frontière entre le monde infini du rêve et celui du quotidien était devenue bien poreuse, le tangible ayant à jamais changé de couleurs.

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Cadavre exquis écrit à quatre mains, avec Eugénie Baylac, rencontrée dans le cadre du #defibrutal.

Cette semaine j’ai écrit chaque jour sur mes différents réseaux, portée par les challenges que lançait Alexandra Martel.
En ce dernier jour j’ai aimé partager l’univers d’une autre artiste en nous lançant dans cette musique surréaliste.
Merci pour cette belle aventure !

Mère

J’ouvre les volets et laisse entrer la lumière. Toute la lumière, le plus de lumière.
Alors je pars.
Épuisée
Douloureuse
Salie.
Qui a fabriqué un autre être humain,

Vulnérable ?
Viens dans mon cou que l’on se respire.
Se faire ouvrir en deux, puis prêter ses bras, sa tête, sa poitrine, soi en entier.
Offrir au monde.

J’ai envie de serrer cette mère dans mes bras
Et tout déferle comme une grosse vague gluante.

Mon cœur va lâcher. Et s’il tient ce sont tes entrailles qui vont se déchirer.
Je suis telle l’alpiniste qui a fait son plus haut sommet.
Je suis transformée, je suis résiliente, je suis moi en mieux.
Nous avons souffert.
Des machines
Devant être révisées.

Alors là dans ma tête c’est la tempête, toutes les idées me viennent, englobées dans un sentiment de colère ininterrompu.
J’embrasse le coin chaud derrière ton oreille. Je compte tes orteils et t’apprends à tirer la langue.

Tu me regardes fort. Si fort.

Douleur.
J’ai pleuré, j’ai crié, j’ai juré qu’on ne m’y prendrait plus.
Enterrée.
Il y avait de la vie là sous mon nombril.

Très vite la question se renverse. Que pousse-t-il lui, ce germe, cet embryon de vie ?
Que force-t-il en toi pour se faire sa place à lui ?
Des graines j’en ai plein le ventre.

Je me sens à nouveau faible incapable amputée
Mais j’ai peur de la faire pleurer.


J’ai pu bouger comme je voulais pendant tout le travail
Une image d’Épinal de la femme naturelle, sorte d’Êve béate dans son jardin d’éden
Malgré les marmots qui lui déchirent les entrailles.
Câliner ce bout d’humain et le laisser m’explorer le fond de l’âme
De ses yeux plantés dans les miens.

Lorsque j’entre dans le tramway après un escalier et un autre hall, je pleure presque devant les sièges tous occupés.
Quelque chose s’est allumé au fond de mes yeux.

Je porte maintenant la chaleur de ce corps partagé
comme un manteau qui protège de tout.
Je ne le savais pas

Angoisse

Je souffle et cale mon dos contre le dossier de la chaise.
Mes doigts eux continuent de trembler.
Je suis traversée d’une corde épaisse qui vibre
en moi
et ne peux la stoper.
Son battement varie en rythme
sans jamais laisser tout à fait mes organes au repos.

La chaleur s’étend plus ou moins
marée aux cycles brefs
qui bouscule mes prévisions.

Je voudrais être calme
je voudrais être rationnelle
je devrais être professionnelle
remiser ma peur à plus tard.

Est-ce qu’en l’écrivant je pourrais la dompter ?

Mes doigts eux continuent de trembler.