La graine a pris. Minuscule et fragile dans le secret de mon ventre. Je ferme les yeux pour en voir les racines. Avant d’être un autre, ce possible m’emmène au plus profond de moi : scruter l’endroit où il s’est installé, imaginer à quoi il ressemble, décider aussi de quoi il retourne.
Faut-il le faire pousser ?
Très vite la question se renverse. Que pousse-t-il lui, ce germe, cet embryon de vie ? Que force-t-il en moi pour se faire sa place à lui ?
Tout va se jouer dans ma possibilité à accepter, à partager l’espace.
Mon corps. Je croirai d’abord que tout est là. Puis le déplacement se fera chamboulement, il faudra m’accrocher pour garder ce à quoi je tiens et me battre, graine au ventre, pour choisir mon propre chemin.
Materner pour les autres c’est : grossesse, joies, vacances. Dans mon quotidien j’entend surtout : hôpital, sécurité de l’enfant, examens, allaitement, être toujours belle, ce n’est pas une maladie, ménagez-vous.
Ce matin le journal L’Alsace titre « Ce devait être le plus beau jour de sa vie, c’est le jour où elle va la perdre. »
Écrire pour ne pas perdre la vie.
Écrire pour donner la vie.
Des graines j’en ai plein le ventre. Je ne le savais pas.
Il a fallu les cris de tous ceux qui s’appropriaient mon corps pour que je cherche.
Qu’est-ce qui était important ? Qu’est-ce que je devais cultiver ?
Je ne voulais pas être « La femme enceinte », cette espèce de bête mythique devenue monstre de foire, que tous s’accaparent. Je ne voulais même pas être « La maman », ce rôle social posé sur mes épaules comme une camisole. Je voulais être moi, encore, mieux, plus forte. Pour nous.
La graine que tu étais a fait pousser toutes les autres. Je me retrouve en charge d’un florissant domaine, et rejoue perpétuellement ce que tu m’as fait connaitre : repérer, observer, choisir, cultiver, faire naitre.
Puis offrir au monde.